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02/03/2012

Jean Michel BAYLET appelle au calme...

Du calme !

jeudi 1er mars 2012

Retrouvez le texte intégral de la tribune parue dans L’Express.fr :

Pour les humoristes, qu’ils soient imitateurs ou dessinateurs, le trait est d’autant plus juste qu’il est plus caricatural. Il semble que certains responsables politiques aient décidé de suivre cet exemple, d’imiter les imitateurs.

Ainsi Monsieur Guéant, que l’on disait occupé à ratisser les suffrages de l’extrême-droite, a-t-il estimé que le Front National n’était pas un parti républicain, ce qui est assez étonnant lorsque la critique vient du Ministre de l’Intérieur dont la fonction est précisément de veiller à l’ordre républicain et donc d’interdire ce qui lui est contraire. Il est allé un peu plus loin en précisant que le Front National était « nationaliste et socialiste ». Livrée sur une radio de la communauté juive, cette évaluation était évidemment transparente. Et grossièrement fausse. Quelque mal qu’on puisse légitimement penser de Madame Le Pen et de ses soutiens, on ne rend service qu’à eux en les assimilant au nazisme. Pour le coup, c’est le F-Haine qui tire tout le débat politique vers le bas à son seul profit.

Ces excès justifient-ils que Najat Vallaud-Belkacem, qui nous avait habituée à plus de nuances et de sourires mais qui est surtout porte-parole de François Hollande dont ce n’est guère le style, s’en vienne présenter Nicolas Sarkozy comme une sorte d’hybride de Silvio Berlusconi et de Vladimir Poutine ? Je crois, pour ma part, qu’il y a suffisamment de reproches fondés à formuler sur le bilan du président sortant et sur le projet du candidat pour ne pas se laisser aller à de tels débordements.

Plus généralement, le début de campagne est marqué par de nombreux dérapages qui n’honorent pas la politique, à l’heure même ou l’on regrette que nos concitoyens s’en éloignent. Traiter François Hollande de « menteur » ne desservira que ceux qui profèrent ou reprennent ce qui, pour le coup, est un gros mensonge. Ironiser sur l’accent d’Eva Joly, voire sur son physique, n’est sans doute pas un bon moyen de s’opposer à ses idées si on les juge inopportunes. Et tout va ainsi. Jean-Luc Mélenchon, qui devrait bien se méfier de ses excès de gouaille, considère Madame Le Pen comme une « semi-démente » et voilà que le père Le Pen vole à la rescousse de sa fille et menace Mélenchon de lui « ôter son caleçon »… Dans quel monde vivons-nous ? Même Monsieur Guaino, habituellement placide, en tout cas très maîtrisé, s’emporte jusqu’à la déraison contre un interlocuteur ayant simplement suggéré que le trop fameux débat sur l’identité nationale n’avait été ni une bonne idée ni une grande réussite.

Les radicaux en appellent à tous les protagonistes de l’élection présidentielle – mais en premier lieu à leurs partenaires car la gauche doit se montrer plus exigeante à cet égard – pour qu’ils maintiennent le débat public à un niveau qui corresponde à l’attente des Français. Ceux-ci connaissent, au quotidien, les difficultés du chômage, du pouvoir d’achat en berne, des coût du logement, de l’affaiblissement des services publics ; ils nourrissent des craintes pour l’avenir, pour l’éducation de leurs enfants, pour leur santé et leurs retraites, pour l’avenir de l’Europe et de notre monnaie, pour les conséquence d’une mondialisation sans principes. Ils espèrent beaucoup des prochaines échéances électorales. Il est certain, dans tout les cas, qu’ils ne la voient pas comme un spectacle de music-hall, encore moins comme un match de catch. Les dirigeants politiques ont pour mission de proposer un avenir plus rassurant, pas de faire rire par leurs bons mots ou de faire rire à leurs dépens par les mauvais.

Nous savons certes que cette dérive spectaculaire des échanges politiques résulte, en bonne partie, du mécanisme même de l’élection présidentielle. En s’y opposant dès la réforme de 1962, les radicaux avaient deviné que cette procédure, qui porte à la simplification (tout comme un western est tendu vers la scène finale du duel dans la rue du village), ne manquerait pas de produire des abus si elle se combinait à la puissance, alors naissante, des grands médias audiovisuels. Ce pronostic s’est vérifié. Des institutions intrinsèquement mauvaises produisent nécessairement des effets pervers. C’est pourquoi le Parti Radical de Gauche souhaite l’avènement d’une sixième République rééquilibrée.

Mais il nous faudra d’abord mener à son terme cette campagne présidentielle qui est, pour la forme, assez mal engagée. Heureusement, les excès des uns et des autres ne changeront rien au phénomène de fond qui se manifeste déjà de façon inexorable : les Français attendent le changement. Veillons, par un juste choix des mots et une confrontation honnête des projets, à ne pas décevoir cette espérance. Les clameurs de foire sont l’exact contraire de la fête démocratique. Sachons garder tenue et retenue pour faire honneur à la République.

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