Mes chers amis,
Comme dans les débats télévisés, le temps nous est compté. Permettez-moi donc d’aller directement à l’essentiel sans autres façons.
Pour vous dire tout d’abord combien j’ai été heureux -et avec moi, tous les radicaux de gauche- de participer aux primaires citoyennes qui viennent de s’achever. Nous avons écrit ensemble, je dis bien ensemble, une page nouvelle pour notre démocratie. Je suis donc très fier (puisque les revendications de paternité se multiplient désormais) que le Parti Radical de Gauche ait été le premier à défendre cette procédure innovante pour la désignation de notre candidat commun.
A la fin, près de 3 millions d’électeurs ont permis de dégager une candidature forte d’une légitimité sans pareille depuis les élections de François Mitterrand dont aucun d’entre nous n’a jamais contesté la capacité à fédérer la gauche, ni la capacité d’homme d’Etat. La primaire a désigné François Hollande et je veux l’en féliciter. Bravo François. François, nous avons tous aujourd’hui le ferme espoir que tu viennes, dans un peu plus de 6 mois, rendre aux Français le meilleur de ce que la République peut leur offrir : le projet d’une nation rassemblée, tolérante, solidaire, généreuse et capable par là même d’affronter les immenses défis qui nous attendent.
Ce n’est un secret pour personne, dès le lendemain du 1er tour, les radicaux de gauche et moi-même avions choisi de soutenir François Hollande. Mais je veux dire très clairement à Martine Aubry qu’il ne s’agissait en rien d’une quelconque défiance à son égard. Tout au contraire, j’ai pensé, comme beaucoup de Français je crois, en observant votre face-à-face pendant la dernière semaine de campagne, que vous faisiez tous deux, toi Martine, toi François, honneur à la gauche et je vous en remercie.
Nul n’a été désavoué et le peuple de gauche a entendu aussi les messages des autres candidats. Rien de ces apports ne devra être rejeté. Il faudra intégrer le volontarisme politique de Ségolène qui nous a rappelé les plus belles journées d’une campagne de 2007 que les radicaux avaient, pour leur part, menée sans aucune arrière-pensée. Bravo et merci Ségolène. Il faut parler du pragmatisme de Manuel, en particulier sur la question des finances publiques et sur celle de la sécurité, ces idées devront aussi éclairer notre campagne commune. Et que dire d’Arnaud que les médias ont voulu opposer artificiellement à tous les autres ? Il a livré une idée simple et féconde : dans une compétition économique mondiale où les plus puissants trichent, il faut refuser de jouer avec des dés pipés. Il a raison.
Nous savons également que tu as été, François, attentif au message singulier que portent les radicaux de gauche et que tu reprendras nos principales propositions. La VIème République (là aussi, nous avons une querelle de paternité sans gravité) pour une démocratie redevenue exemplaire. Une grande réforme fiscale englobant sous le même éclairage de justice les revenus du travail et ceux du capital ou encore le financement de la protection sociale. Ai-je besoin de rappeler en outre l’engagement des radicaux en faveur de l’Europe fédérale dont la crise financière, économique et surtout sociale vient chaque jour démontrer l’urgence et l’absolue nécessité ?
Nous devons rechercher l’adhésion de nos concitoyens à la construction européenne et, pour cela, nous avancer résolument sur le chemin d’une véritable Europe politique. Pour ma part, je vois dans la tourmente actuelle la preuve que le dogme de l’euro fort est un aveuglement et que les responsables européens doivent reprendre la maîtrise de la politique de change.
Pour un New Deal européen, face à la crise monétaire à la tourmente bancaire et au risque imminent de récession généralisée, seul le choix de la création monétaire permettra, par de grands travaux, des investissements environnementaux, des allocations à la recherche et à l’innovation, de relancer la croissance et donc l’emploi et le pouvoir d’achat.
Enfin, notre candidat devra porter des progrès dans le champ jamais fermé des nouvelles libertés. Le droit de vote des immigrés n’est pas un clivage en forme de chiffon rouge ; au fondement de la démocratie réside ce postulat parfaitement clair : celui qui paie des impôts doit être autorisé à voter pour désigner celles et ceux qui en feront le meilleur usage. Et il ne vous étonnera pas que j’insiste aussi sur le droit au mariage homosexuel et à l’homoparentalité ainsi que sur le droit à mourir dans la dignité. De la même façon, je pense qu’un débat sérieux sur la légalisation du cannabis mérite mieux que les anathèmes des prohibitionnistes quotidiennement démentis par les faits.
Je veux dire également à François Hollande qu’en lui donnant le mandat de nous représenter tous, les radicaux lui confient aussi le principe de laïcité, véritable colonne vertébrale de notre République. Une laïcité pourtant écornée, déniée, bafouée par ceux-là même qui l’invoquent à l’appui de leurs politiques d’intolérance, d’exclusion, ou de xénophobie. Notre laïcité, tu le sais François, est la garantie d’une France unie et plurielle, forte de toutes les identités qui l’ont faite, d’une France attentive au monde et portant encore le grand message des Lumières.
Au total, j’ai confiance. Je suis certain que nos idées coalisées et portées avec talent permettront d’assurer la victoire de la gauche. Je vois, et je m’en réjouis, que vous avez retrouvé l’unité sans laquelle il ne saurait y avoir de succès commun. Continuez à y veiller car les Français – nous les avons, les uns et les autres attendus, durant cette campagne, en sillonnant la France – veulent l’union. N’oubliez pas non plus qu’une grande victoire se construit en respectant tous les combattants. Dans la campagne qui s’annonce, dans son organisation, dans l’expression de nos idées communes, les radicaux de gauche entendent prendre toute leur place. Vous pourrez compter sur les radicaux si vous savez compter avec eux.
Pour François Hollande, la première urgence est d’étendre le rassemblement le plus largement possible. Pour les radicaux et les socialistes, je l’ai dit, l’union est bien engagée. Mais il faudra mener campagne avec le projet et même l’obsession d’un rassemblement plus vaste. Le front de gauche a bien sûr vocation à y entrer. Je ne suis pas inquiet. Malgré leurs exigences abruptes, les écologistes devront aussi participer demain à une large majorité de progrès et, pour cela, apprendre à composer avec la réalité. Plus généralement, il t’appartiendra, François, de réunir toute la gauche. C’est la première leçon électorale de François Mitterrand : d’abord rassembler sa propre famille. Mais sa deuxième leçon, rappelons-nous l’élection présidentielle de 1988, est aussi celle de la France unie, de la France qui sait rassembler au-delà des frontières de la gauche, toutes celles et tous ceux qui se retrouvent dans un projet politique commun et ce projet commun s’appelle aujourd’hui le changement. Nos adversaires te prêtent, François, une sorte de tropisme centriste. C’est mal te connaître. Nous savons que tu porteras nos couleurs avec la fierté d’être ce que nous sommes, à gauche tout simplement.
Mais nous savons aussi que plus la gauche sera forte au premier tour et mieux elle pourra construire ensuite un vaste rassemblement de tous les citoyens épris de justice et de cohésion sociale. Être clairement à gauche ne signifie pas opposer une moitié de la France à l’autre, comme le fait le pouvoir actuel avec sa toute, toute petite moitié. Une gauche moderne et tranquillement sûre d’elle-même, c’est aussi une gauche ouverte.
Car la campagne, l’élection puis l’exercice de la fonction présidentielle exigent une véritable hauteur de vues et une capacité à réconcilier. Quand je dis espérer et attendre avec confiance une victoire de la gauche, je veux dire que, dans ce grand moment démocratique, c’est la France qui doit gagner. Une France dont nous sauvegarderons et consoliderons les services publics, garants de l’égalité républicaine. Une France riche et orgueilleuse de sa diversité. Une France rejetant les messages de division et d’intolérance pour garantir, par la laïcité, la liberté des consciences. Une France redevenue vertueuse et respectueuse du bien public, de l’intérêt général. Une France assez solide, unie et confiante pour s’intégrer dans la construction d’une Europe puissante. Une France surtout attentive aux plus défavorisés et qui ne laisse personne au bord du chemin. Bref, la France telle que nous l’aimons quand elle fait claquer les étendards de la justice et du progrès.
Je l’ai dit, le temps nous est compté. Quels que soient les calculs tactiques du candidat sortant et finissant, nous devons nous engager hardiment. Nous n’avons que trop tardé car la République nous attend. Et je prends le pari, ici, aujourd’hui, qu’au début du mois de mai nous chanterons, tous ensemble et avec les Français, « Le temps des cerises » et le beau printemps républicain. Je vous donne rendez-vous pour pousser ce chant au mois de mai sur les marches de l’Élysée en compagnie du nouveau Président de la République, François Hollande.
Seul le prononcé fait foi 